Hold-up sur les vieux : deux ans après, rien n’a changé ?

C’est la dernière enquête sortie sur le business du grand âge. Dans un documentaire de 90 minutes, disponible gratuitement sur Arte.tv, Laurence Delleur et Nathalie Amsellem traversent l’Europe pour observer les prises en charge des personnes âgées par le secteur privé lucratif. 

2 ans après le livre Les Fossoyeurs, la piqûre de rappel est salutaire, tant les conséquences des modèles privés lucratifs semblent se répéter à l’étranger, et trouver une nouvelle forme d’expression en France.

Le documentaire commence par un chiffre fort : d’ici à 2070, la prise en charge des personnes âgées pourrait représenter 30% du PIB européen. Cette perspective est d’autant plus intéressante que la voix off le rappelle : cette question concerne aussi bien nos grands-parents, nos parents, que… nous !

La première escale est en Espagne, où 80% des EHPAD sont privés. Des acteurs français y ont établi leurs modèles, avec les mêmes recettes de coûts tirés vers le bas, pour le bénéfice des actionnaires. On retrouve dans ce pays une même problématique qu’en France : le nombre insuffisant d’inspecteurs. Or, s’il y a peu de contrôle, il y a peu de sanction, ce qui permet aux acteurs d’agir comme bon leur semble.

Le modèle anglais est ensuite abordé. On y rencontre des établissements pouvant être fermés pour raison financière, car le bâtiment ou le terrain est vendu au plus offrant. Seul un préavis de 28 jours “protège” les familles, qui doivent trouver un nouvel établissement.

Le dernier pays visité est l’Allemagne, avec ses professionnelles du lien débauchées dans les pays de l’Est. Parfois, les sociétés de placement sont sérieuses. Parfois, elles mentent sur la réalité de la prise en charge du résident et les conditions de travail sont éprouvantes.

Partout, ce même constat : la volonté politique a été de limiter les dépenses publiques en laissant les entreprises privées fournir ces services. Partout aussi, des subventions généreuses ou aides publiques ont été données aux entreprises privées lucratives pour les aider à s’installer. Partout, le même constat : c’est grâce aux financements publics que le secteur est rentable. Partout enfin, c’est la personne âgée qui subit la situation.

On y retrouve cette vision qui avait traversé le livre de Victor Castanet : les personnes âgées sont vues comme des rendements annuels. A cela s’ajoutent des montages financiers complexes pour limiter les impôts sur les profits, ce qui limite la participation financière de ces sociétés au financement de la prise en charge du vieillissement de la population.

Un extrait de discours de Boris Johnson, annonçant une grande réforme de la prise en charge, est diffusé. Il rappelle les multiples annonces que nous connaissons en France depuis 2018, laissées lettre morte depuis. Ces évitements s’expliquent par l’impasse dans laquelle les gouvernements se trouvent : quelle est l’alternative si le privé n’assure plus le service qu’il propose aujourd’hui ? Si les Etats ne veulent pas financer plus d’acteurs publics, comment pourraient-ils reprendre à leur charge les services du privé ?

Le documentaire finit sur la remise en cause du modèle des colocations d’Âge et vie. Nous y revenons dans un article que vous pouvez retrouver [ici]

Alors que le documentaire s’achève sur le modèle du Danemark, où les personnes vieillissent le mieux, mais qui est confronté de plus en plus aux questions du financement, la question du regard que nous portons sur les personnes âgées nous est posée. Il s’agit plus que jamais d’un sujet de société. Alors qu’en France, la question de la fin de vie va faire l’objet d’une réforme avant celle du bien vieillir, oui, nous devons collectivement changer nos regards pour que les personnes âgées ne soient plus vues comme des charges, et pour que les réformes et les financements adéquats soient enfin dédiés.

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