La réforme du … »mal vieillir » ?

Tribune initialement parue sur le site de Libération le 14 avril 2023

Après la crise sanitaire et les scandales touchant certains Ehpad, on attendait une loi ambitieuse sur le grand âge. Il n’en est rien. Comment penser le «bien vieillir» si les acteurs privés sont aux commandes des réflexions ? L’Observatoire du grand âge – dont font partie Florence Aubenas, Rémi Lainé ou Victor Castanet – s’inquiète.

La première pierre de la réforme du « Bien Vieillir » a été votée hier soir. Ou devrions-nous parler d’un caillou ? Malgré les alertes de tout bord sur le manque d’ambition de ce texte, malgré les ajouts en commission puis en séance, force est de constater que ce texte sans squelette ne nous montre pas la direction à suivre. L’actualité est d’autant plus sarcastique qu’au même moment, les débats sur la fin de vie projettent une réflexion sur les derniers instants, alors que nous pourrions parler en même temps des années joyeuses qui les précèdent.

Depuis des années, nous sollicitons de tous nos vœux l’avènement d’une loi grand âge. La crise sanitaire et les scandales liés à certains groupes du privé lucratif ont mis en lumière de nombreuses ingérences, mais les solutions proposées sont insuffisantes et nous font reculer, s’il s’agit ici de la seule possibilité de réforme à notre disposition. De nombreuses solutions figurent dans les dizaines de rapports écrits sur le sujet depuis 2018. Mais si l’on s’en tient aux propos du ministre, cette proposition de loi est la brique législative de la réforme du grand âge, en attendant la brique réglementaire et la brique budgétaire. Ainsi donc, après cette proposition de loi, qu’est-ce qui nous garantit qu’il n’y aura pas le néant ?

Le secteur privé, facteur d’inertie depuis trente ans

D’après la rapporteure et le ministre, le texte propose des mesures à la fois « pragmatiques » mais aussi des éléments « structurels très abstraits », comme le service public territorial de l’autonomie, la création des groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS). Ce projet de loi fait tant l’unanimité auprès des députés Renaissance que sa co-rapporteure, Monique Iborra (ENS), a décidé de claquer la porte du projet, une semaine avant l’ouverture des débats, la réforme ne traitant « que la forme » d’un sujet de si grande envergure. Aussi, lorsque le groupe NUPES propose de rejeter le texte avant examen par manque d’ambition, il ne manque qu’une dizaine de voix pour que cette alerte soit entendue. Alors qu’il manque des mesures fortes sur la gouvernance, sur la refonte de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), qui ne pourront pas toutes trouver leur place dans le futur texte budgétaire, alors que la suite du plan bien vieillir sera annoncé en juin, alors que les états généraux de la maltraitance feront place à un plan à l’automne, pourquoi se hâter ? Tant de projets et de promesses sont à venir. Depuis 2018 et les premières annonces d’un projet de loi grand âge et autonomie, nous avons appris à être patient.

À l’OGRA, nous sommes aussi préoccupés par le fait que ce soient les acteurs du secteur privé lucratif qui soient mis aux commandes de la réflexion sur le bien vieillir, alors qu’ils ont été des facteurs d’inertie pendant une trentaine d’années. Nous devons nous interroger sur le voile posé sur les conditions d’accueil et d’accompagnement des personnes âgées. Les propositions des penseurs de demain sont également inquiétantes, telles que la fusion des dotations soins et dépendance en une seule dotation accordée à l’établissement sur la base du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), ou dit plus simplement, l’attribution d’une somme d’argent public, au demeurant importante, sans veiller à savoir si ces financements sont utilisés à bon escient. L’histoire nous dit que prudence est mère de toutes les vertus.

Le vieillissement nous concerne tous

Nous devons plutôt créer un imaginaire collectif du bien vieillir, où il n’y a pas de solution unique, mais des solutions adaptées à chaque personne. Le contrat de confiance entre les familles, les résidents et les usagers des établissements et services liés au grand âge doit être reconstruit. Les EHPAD peuvent être repensés comme des lieux de vie plutôt que des lieux où l’on échoue. Les difficultés du domicile ne doivent pas être minimisées. Les experts et les concernés connaissent les solutions : entendons-les pour de vrai. 

Notre observatoire est le porte-voix de tous les acteurs du milieu du grand âge, tout particulièrement, des oubliés et des invisibles depuis tant d’années mais aussi de ceux qui améliorent leur quotidien. À travers des enjeux sociétaux forts, nous impliquons et coopérons avec tous les protagonistes du parcours de vie d’une personne âgée. Il est temps de travailler sur les thèmes concrets émanant du terrain, de donner la parole à ceux qui ont besoin d’être entendus. Le vieillissement nous concerne tous et nous devons tous travailler ensemble, avec fierté et ambition, pour créer une nation dans laquelle les personnes âgées peuvent faire partie entière de la société.

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