« La situation financière des Ehpad s’est fortement dégradée depuis trois ans : non seulement la proportion d’Ehpad déficitaires a augmenté mais l’ampleur des déficits s’est aggravée, exposant de nombreux établissements à des difficultés de trésorerie à court terme. Une combinaison de causes conjoncturelles et structurelles explique cette situation, que des aides ponctuelles ne suffiront pas à surmonter. »
C’est par ce constat implacable et qui résonne depuis des mois, voire des années, que commence le rapport d’information du Sénat intitulé EHPAD : un modèle à reconstruire, adopté le 25 septembre. Ce rapport dresse un portrait alarmant de la situation actuelle des EHPAD, entre crise financière, manque de ressources humaines et des infrastructures inadaptées à l’évolution des besoins de la population âgée dépendante.
Un modèle en crise
Le rapport souligne que la part des EHPAD déficitaires est passée de 27 % en 2020 à 66 % en 2023. La majorité des établissements, notamment publics, affichent des déficits considérables, avec une baisse importante des taux d’occupation depuis la pandémie de Covid-19 et la crise de confiance qui a suivi le scandale Orpea. Cette baisse d’occupation, couplée à la montée des coûts liés à l’inflation et aux revalorisations salariales, a provoqué un effet ciseaux entre les dépenses et les recettes, rendant la situation insoutenable pour de nombreux établissements.
Les solutions ponctuelles, comme la création d’un fonds d’urgence de 100 millions d’euros en 2023, se sont révélées largement insuffisantes face à l’ampleur des besoins. Le rapport critique également la complexité du modèle de financement des EHPAD, jugé dépassé et inadapté aux évolutions démographiques et aux nouveaux profils des résidents, de plus en plus âgés et dépendants.
Un avenir incertain malgré quelques pistes
Bien que le rapport présente des propositions intéressantes, comme l’expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance pour simplifier le financement, ou encore la révision de la tarification en fonction des besoins réels des résidents, une lacune majeure demeure : l’absence d’un montant clair et chiffré des ressources nécessaires pour faire face aux défis à venir.
Si des idées sont avancées pour améliorer la situation, telles que la généralisation du tarif global ou encore la mise en place d’une deuxième journée de solidarité, capable de générer jusqu’à 2,4 milliards d’euros supplémentaires, ces mesures restent insuffisantes sans un plan de financement concret et massif. Il est préoccupant que cette proposition de journée de solidarité ait retenu toute l’attention des médias, éclipsant ainsi l’urgence d’une réforme en profondeur du secteur et risquant de créer une fracture au sein de la société. En effet, cette nouvelle journée, bien que prometteuse en termes de financement, pose la question d’une solidarité équitable et durable.
Un énième rapport, qui connaîtra le même sort que ses prédécesseurs ?
Le rapport du Sénat dresse un constat sévère mais réaliste : le modèle actuel des EHPAD est à bout de souffle et nécessite une refonte totale. Cependant, sans un engagement financier conséquent, ces réformes risquent de rester lettre morte. L’heure n’est plus aux ajustements temporaires mais à une prise de conscience collective sur l’importance de traiter la question du grand âge avec les moyens et l’ambition nécessaires. Vieillir dans la dignité ne doit pas être une option, mais une exigence incontournable pour notre société.